La fête de la truffe blanche d'Alba
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Samedi 18 octobre
Vers 16h30 j'arrive à la gare d'Alba. Le voyage n'a duré que quelques heures, et la campagne autour d'Alba est magnifique, légèrement vallonnée, et surmontée au loin par les premiers sommets des Alpes. Le train court que j'ai pris pour la dernière partie du voyage est bondé et pour cause : tout le monde descend à Alba, je suis loin d'être le seul à me rendre à la fête de la truffe !
L'évènement du week-end est la bacchanale de la truffe, dans le centre historique de la ville, où l'on peut déguster des spécialités locales (avec ou sans truffes) et participer à des jeux, le tout dans une ambiance et un décor typiquement médiévaux. Elle doit commencer vers 19h et se poursuivre tard dans la soirée, mais à 17h, il y a déjà beaucoup de monde dans les rues et toutes les boutiques ont ouvert leurs portes. Je commence par m'acheter des châtaignes grillées puis je flâne tranquillement dans les rues au rythme de la foule. C'est l'occasion de voir les premières truffes en masse sur des étals dans la rue. Pour s'en approcher, c'est un peu la bousculade ; en revanche, on y trouve surtout des truffes dites "de Bourgogne", moins cotées que la truffe noire du Périgord ou la blanche d'Alba pour leur parfum moins puissant et leur goût plus variable. Mais on les vend en plus grand nombre.
J'ai le temps de faire plusieurs fois le tour du centre-ville avant que la fête ne commence réellement. Son épicentre est la place de l'église d'Alba, où sont implantés les grands stands de restauration : soupes, agneau ou cochon rôti, pâtes, servis par des manifestants en costume médiéval ; au même endroit, on retrouve la plupart des jeux qui sont dans l'ensemble très amusants (la fléchette et le saucisson par exemple, simple mais efficace).
La pêche aux canards... pardon, aux grappes de raisin
(évidemment, des bouteilles de vin sont à gagner)
Un jeu très amusant, Il Palio : celui qui chevauche son âne le plus vite, faisant ainsi éclater son ballon en premier, gagne
Mon favori : la saucisson est à gagner pour celui qui arrive à le toucher en 3 fléchettes
La fièvre de la truffe descend sur la ville
Il Menu Degustazione !
Je profite de la fête jusqu'à 1h du matin, après quoi les stands ferment et les rues se vident.
Dimanche 19 octobre
Je me lève d'attaque à 8h30 et je refais un tour dans le centre, où certains jeux ont repris, avant de débarquer à la foire de la truffe proprement dite sur le coup de midi. Elle a lieu tous les week-ends sur la durée des festivités, et en plus d'être le lieu de vente privilégié de la fameuse truffe blanche d'Alba, c'est un lieu de rencontre, d'exposition, et de démonstrations culinaires. Ici, chaque truffe est unique et se vend à la pièce auprès du "caveur" après avoir été soigneusement évaluée et pesée. C'est un évènement très important, à portée internationale, qui attire beaucoup d'acheteurs étrangers dont je fais partie à ma manière... La truffe blanche est en effet très rare à l'échelle du monde : elle ne peut se développer que dans certaines régions de l'Italie (le Piémont où se situe Alba étant le premier lieu de récolte), en moindre mesure dans la région d'Istrie, en Croatie, et dans tous les cas uniquement de façon localisée. En France, elle est introuvable.
Comme je l'ai déjà dit, c'est un champignon de luxe extrêmement cher, nettement plus que la truffe noire qu'on met pourtant déjà au-dessus de tout en France. Son prix au kilo peut dépasser 3000€ soit plus de trois fois celui de la truffe noire... A ce prix-là je n'en ai pas goûté (comme elle s'achète à la pièce il n'est pas possible d'en acquérir de tout petit morceau) mais je dois reconnaître que son parfum seulement est déjà exceptionnel. Très puissant et très aromatique avec une légère pointe aillée, il reste ancré dans ma mémoire au souvenir de ce week-end et de la foire où il imprégnait tout, malgré les cloches protectrices de plastique et de verre...
Vue en coupe d'une grosse truffe blanche et de son "réseau" caractéristique
Je discute avec un des caveurs (c'est le nom donné aux chercheurs de truffes, en italien on dit "trifolao") qui m'explique que la truffe blanche se récolte sous les chênes, les tilleuls et les noisetiers. Selon la taille de la truffe ("calibre" est le terme exact), on distingue 2 catégories principales, les plus grosses étant vendues de 200 à 280€/100g, et les autres de 50 à 200€/100g, selon les défauts du champignon. A Alba, la truffe blanche est non cultivée et se trouvent naturellement dans les forêts. Les caveurs, qui se regroupent en association, ne sont généralement pas propriétaires des terrains truffiers et doivent donc négocier les termes d'un accès pour eux et leurs chiens. Ces derniers leur permettent de détecter les truffes enfouies, et par rapport au cochon truffier présentent l'avantage de ne pas vouloir les manger.
Vers 16h je reprends le train pour Turin, où finalement je passerai la nuit.
Lundi 20 octobre
J'arrive à Borgo à 9h du matin mais je dois quitter mon auberge pour un hôtel, car elle est complète. Maintenant que j'ai bien cerné la situation, je peux commencer mon enquête proprement dite : j'ai constitué une première liste de restaurants, d'hôtels et de maison d'hôtes (qu'ils appellent souvent "agritourismes" par ici comme en Roumanie) susceptibles de servir du cèpe IGP et d'être des points-clés du mycotourisme. Je n'ai plus qu'à fignoler mon questionnaire et demain, je me lancerai sur la route à travers le Val Taro !
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