-
Mercredi 8 octobre
Par le train j’arrive à Milan en Italie. Le voyage depuis Bucarest a été un petit peu plus compliqué que prévu mais mon séjour va commencer à Padoue où le chercheur de StarTree est finalement d’accord pour me rencontrer. Dans la soirée j’atteins ma destination et je loge, pour ma première nuit, dans un petit B&B excentré que j’ai un peu de mal à trouver (comme il n’y a pas d’enseigne, je passe deux fois devant lui dans sa petite ruelle avant de m’y arrêter pour sonner). C’est le père du propriétaire, qui baragouine 3 mots de français, qui m’y accueille et je passe une bonne nuit dans une petite chambre confortable.
Jeudi 9 octobre
J’ai quitté le B&B avec toutes mes affaires, je vais rejoindre un endroit meilleur marché, la Casa dei Colori, qui s’apparente plus à une auberge de jeunesse. Mais pour l’instant je fais un tour dans le centre de Padoue. C’est une jolie ville italienne avec ses petites places et ses rues à arcades. Elle est surtout connue pour sa basilique de Saint-Antoine, qui contient des reliques du saint et est pour cela très fréquentée comme lieu de pèlerinage. Deux places sont particulièrement remarquables : le Prato della Valle et le duo Piazza delle Erbe/Piazza dei Frutti où on trouve le marché de pays. C’est sur ce dernier que je me rends en premier et je prends beaucoup de plaisir à le parcourir comme souvent au cours de ma césure. Il est partiellement couvert dans le sens où des boutiques permanentes se trouvent sous les arcades du palais qui trône au centre. La majorité des producteurs arrive chaque matin en camionnette ou en triporteur pour monter son étal.
Mélanges d'épices et de riz sur le marché de Padoue
Je vois toutes sortes de produits qui me tentent plus les uns que les autres mais comme je n’ai pas de cuisine à ma disposition, mon choix est nettement restreint et j’en reste à saliver devant les étalages. Les contenus des marchés italiens sont à l’image de la gastronomie du pays, qui n’a décidément rien à envier à sa voisine française. Au final, je mange sur le marché : du fromage, du pain et quelques fruits. Je prends aussi le temps de relever les prix des champignons qui sont présents en grand nombre, et avec plus de variété qu’en France ce qui n’a rien d’étonnant, car les Italiens sont des mycophages très enthousiastes. Je relève aussi que peu d’entre eux sont libellés comme étant d’origine italienne, en particulier aucun des lots de cèpes proposés ! C’est un sujet qui sera au cœur de mon investigation qui débutera quelques jours plus tard.
Vendredi 10 octobre
La Casa dei Colori n’est pas chère, on m’y a fait bon accueil mais je ne compte pas y rester longtemps. C’est complètement excentré et il n’y a presque aucun commerce à proximité, juste une pizzeria. Tout de façon, j’espère migrer au plus vite vers Trente, plus au nord au pied des Alpes, où je compte mener mon projet. J’ai rendez-vous en début d’après-midi à l’université des sciences de Padoue, à l’extérieur de la ville, où je parle plus d’une heure avec mon contact, M. Pettenella. Il a un poste très important : c’est lui qui supervise toutes les études de StarTree en Italie et accessoirement, c’est le directeur de la partie Economie-Marketing du projet. Je lui décris ma situation et je lui résume mes avancées en Finlande et en Roumanie. L’étude de cas dans le Trentin, m’explique-t-il, est complètement terminée. Il y a une longue tradition de vente des champignons, en particulier des cèpes, mais essentiellement à partir de l’import. La cueillette est plutôt orientée loisirs et autoconsommation, et l’achat aux particuliers, s’il a lieu, se fait en cash sans être déclaré comme souvent en Roumanie. A ma grande surprise il me déconseille donc plutôt cette région au profit de Borgotaro, dans les Apennins près de Parme, où la cueillette est très active sous l’influence de la démarche IGP (Indication Géographique Protégée) « Fungo di Borgotaro ». Borgotaro m’avait déjà interpellé au moment de mes recherches préalables de césure, mais comme pour les autres pays et par souci de simplification j’avais décidé de me limiter aux études de cas officielles de StarTree. Cette situation particulière est intéressante en elle-même et par contraste avec les autres que j’aurai étudiées. Les possibilités de cueillette attirent beaucoup de monde, on parle même de « mycotourisme », et M. Pettenella m’incite à enquêter sur les activités qui y sont liées : les services d’hébergement, de restauration, de guidage proposés aux touristes. Je suis assez facilement convaincu par son discours, d’autant plus que maintenant, je suis vraiment curieux de découvrir cet endroit où le cèpe est roi.
Samedi 11 octobre
Ce samedi je ne fais rien de spécial, je m’apprête à quitter Padoue dans la nuit par le train. Il fait très beau et je me promène encore un peu en ville où je mange très simplement dans un petit resto après avoir refait un tour sur le marché.
Dimanche 12 octobre
J’ai passé une nuit assez agitée. De Padoue j’ai pris le train pour Bologne, qui m’a ensuite emmené à Parme, d’où j’ai pris ma dernière correspondance pour Pontremoli, une ville voisine de Borgotaro. C’est là-bas que j’ai mon hébergement dans une petite maison d’hôtes un peu isolée sur la montagne. J’arrive en début d’après-midi. La vallée est très belle et le temps très changeant ; en montant vers la maison d’hôtes je ramasse des châtaignes qui jonchent le long de la route.
La montée vers la maison d'hôtes
Lundi 13 octobre
Le lendemain matin, le temps est très maussade. Il a plu pendant la nuit et ça va certainement continuer dans la journée. Angela, la maîtresse de maison, me descend en voiture à Pontremoli. J'ai l'intention d'y passer la matinée avant de faire un premier repérage à Borgotaro dans l'après-midi.
Pontremoli est un village dont le nom dérive de "ponte tremului", en latin "le pont en bois de tremble", en référence à ces arbres qui poussent le long de la rivière. On retrouve ce pont du temps jadis sur les armoiries de la ville.
Vue sur les toits de Pontremoli
A mon arrivée à Borgotaro (le nom complet est, d'ailleurs, Borgo Val di Taro), une pluie très dense commence à tomber à tel point que je dois me réfugier dans un bar pour éviter d'être complètement trempé, malgré ma cape de pluie. Je le quitte vers 17h, alors qu'il pleut toujours.
Vente à l'auberge de champignons frais et de châtaignes
Avant la pluie...
Après !
Un coucher de soleil magnifique malgré tout
Mardi 14 octobre
Je m'arrête un moment à la Bottega del Fungo, une boutique que j'ai repérée la veille et qui est spécialisée dans la vente de cèpe IGP. On m'y fait bon accueil et on répond à mes questions : je gagne même l'autorisation d'aller voir le lieu de préparation et de conditionnement des champignons à moins d'un kilomètre de là.
Cèpes "chiari" marinés dans l'huile
Dans le journal, j'apprends que les pluies de la veille ont eu des conséquences très importantes dans la région : à Parme, en aval, le Taro a débordé, coupant l'accès à la ville au niveau de plusieurs ponts et mettant hors-service tout le réseau de télécommunications de la région : plus de téléphone, plus d'internet !
Pour moi se pose le problème de l'hébergement : le matin, j'ai quitté ma maison d'hôtes à Pontremoli dans le but de me rapprocher de Borgotaro, mais la pleine saison touristique touche à sa fin et la plupart des hébergements type auberge de jeunesse qu'on m'a proposés sont à présent fermés. Je ne trouve que des hôtels aux prix bien plus élevés, généralement 50€ et plus. Comme le temps s'éclaircit et comme ces recherches m'ennuient, je résous le problème à ma manière en allant camper une nuit en forêt sur les hauteurs de Borgotaro.
Mercredi 15 octobre
Dès 7h je redescends vers la vallée en traversant de magnifiques bois de châtaigniers dans la brume du petit matin.
Le sous-bois au réveil
Un énorme châtaignier (mon sac pour échelle)
Sous-bois de châtaigniers
A mon retour en ville, je pose mon sac à l'auberge-hôtel qui m'a paru la moins chère la veille : je paye 43€ la nuit ce qui est plutôt raisonnable pour l'Italie, en plus avec internet et dans le centre. Dans l'après-midi je visite une autre boutique où on me montre une truffe blanche, spécificité italienne au parfum plus puissant que la truffe noire française. C'est l'un des champignons les plus chers au monde, seulement concurrencé dans ce domaine par quelques champignons médicinaux comme les Cordyceps. Je n'en avais jamais vu avant.
Le centre de Borgo, la via Nazionale
Cèpes séchés
Jeudi 16 octobre
Aujourd'hui, j'ai eu un rendez-vous avec le comité de gestion de l'IGP Fungo di Borgotaro. Leur démarche consiste à certifier IGP (Indication Géographique Protégée) les cèpes issus des forêts communales de la région : Borgo Val di Taro, Pontremoli et Albareto. La qualité de ces champignons et la possibilité d'en ramasser soi-même en achetant un permis attire de nombreux touristes et consommateurs dans la région pendant l'été et l'automne. Ce système est si bien développé qu'il rapporte plus d'argent qu'on n'en obtiendrait en exploitant la forêt uniquement pour le bois. Les recherches qui ont été faites ont permis d'instaurer une gestion spécifique de la forêt en faveur de la production de champignons. En discutant, j'apprends beaucoup sur le biotope* des cèpes qu'ici, ils séparent en 4 espèces bénéficiant de l'IGP : Boletus edulis, Boletus aestivalis, Boletus aereus et Boletus pinophilus.
Publicité pour la vente de permis de cueillette
Mes contacts au comité de l'IGP :)
Vendredi 17 octobre
Je passe l'après-midi en forêt en espérant trouver de quoi faire de belles photos mais je suis un peu déçu du résultat. En arrivant à Borgotaro en début de semaine j'ai raté de peu la foire de la châtaigne mais ce n'est pas la seule manifestation de la région. Ce week-end, c'est le point culminant de la fête de la truffe blanche à Alba, en Italie du Nord. Je partirai demain par le train et rentrerai à Borgo dimanche soir.
Un chêne très étrange
-